Il s’appelle El Ouassaly, il a une trentaine d’années et baragouine 10 mots de français. Il est déjà 19h, la nuit commence à tomber… nous décidons avec Antoine de faire confiance à cet inconnu. Sentiment un peu étrange que celui de sentir un peu « obligé de faire confiance ». Il nous accompagne donc dans son village. Nous traversons un dédale de ruelles boueuses. Au milieu, des dizaines d’enfants jouent dans la poussière. Au bout de quelques kms, nous arrivons enfin dans sa maison, composée d’un regroupement de quelques bâtiments. Au milieu de la cour on trouve un cheval, une vache, des moutons non loin dans une case, des poules partout, des chiens. Un fossé sépare le bâtiments où coule une eau douteuse. Des femmes approchent et nous embrassent comme du bon pain. En descendant de la voiture, Antoine plonge son pied dans une marre de boue… Le décors est planté… nous voilà arrivés dans une famille de bergers marocains. Nous sommes traités comme des rois. El Ouassaly veille à nos affaires, que notre voiture soit bien fermée et que le sac d’Antoine soit toujours à porté de main. Ils font place nette dans une baraque, un coup de balais, puis ils dressent des nattes au sol superposant plusieurs tapis et gros coussins orientals. D’un coup, la pièce s’habille de lumière, c’est magique. Les femmes se mettent en action et nous comprenons qu’elles se mettent en cuisine. Le thé à la menthe arrive et les enfants s’en régalent. Nous sommes un peu inquiets qu’ils boivent du thé à leurs âges mais bon au moins l’eau est bouillie. Une femme invite Quitterie à la suivre dans une autre pièce juste à coté… Voici le récit exact qu’en a fait Quitterie:

« Je la suis sans savoir ce qu’elle me veut puisque nous ne parlons pas la même langue. Elle m’ouvre une grande armoire en bois où apparaissent des piles et des piles de vêtements et linges de maison. Elle me sort un ravissant ensemble rose flash en polaire Hello Kitty, le pantalon de survêtement et son pull! Je suis embarrassée car elle m’invite à le mettre. Je la remercie et la rassure en lui disant que je n’ai pas froid, je m’empresse d’aller chercher mon pull pour lui montrer et je l’enfile sur ma robe d’été. Je retourne à ma place près d’Antoine. Mais elle revient à la charge avec cette fois un peignoir en polaire, rose encore. Devant tous, je comprends qu’ils veulent que je me couvre. J’enfile alors cette magnifique robe de chambre et je couvre ainsi jambes, bras et gorge. Ils ont tous l’air content de me voir ainsi. Moi, je me trouve ridicule et je sens que je vais mourir de chaud dans peu de temps! »

Nous essayons de parler, de savoir qui ils sont, comment ils s’appellent, qui est le fils de qui car il y a au moins 25 personnes dans cette famille. C’est marrant, nous parvenons petit à petit à comprendre qui est marié avec qui, et qui est le fils de qui. Il règne un bruit assourdissant dans cette petite pièce mais nous savourons ce moment unique et authentique, particulièrement festif.

Ils servent nos enfants en premiers qui meurent de faim avec une délicieuse tajine. Louis est ravi, ici il a le droit de manger avec ses doigts.
Le couscous arrive peu de temps après. C’est exceptionnel, car normalement le couscous n’est cuisiné que le vendredi au Maroc, et nous sommes mardi. Nos hôtes nous gâtent!
Les hommes se mettent autour de notre table et un jeune garçon vient avec une bassine et une cruche pour nous laver les mains les uns après les autres. Cela donne un air de lavement des pieds comme Jésus avec ses disciples. C’est très beau, comme un rituel ancestral que les uns et les autres s’appliquent à faire perdurer. Nous mangeons une viande délicieuse et une sauce légèrement relevée au gout parfait. Un pain délicieux. Ils veulent nous apporter des fourchettes mais nous sommes heureux d’apprendre à manger avec nos mains. C’est assez simple, il suffit de bien regarder comment ils s’y prennent et c’est parti.


Les femmes et les enfants de la famille seront servis après nous, des restes de notre tajine… C’est vraiment surprenant cette culture vis a vis des femmes. Pourtant, ils ont tous l’air bienveillants avec leurs épouses… La femme n’a pas beaucoup de chance, elle semble être vouée aux taches ménagères, à l’éducation des jeunes enfants. Elles arrêtent assez vite l’école ou n’y vont pas du tout.
Arrive pendant la soirée, d’autres personnes, des nouveaux oncles et épouses, ainsi que le chef du village qui veut voir qui nous sommes. Une femme totalement voilée et gantée, nous ne voyons que ses yeux… qui sont d’ailleurs pétillants et ravissants. Elle semble très gentille et plutôt avenante. Elle me parle beaucoup de sa fille qui va a l’école et en semble très fière. A un moment nous abordons la religion. Je lui montre la médaille miraculeuse que je porte au poignet et elle comprend que c’est la Vierge Marie. Elle s’exclame « non non non, allah machin truc…. » elle semble d’un seul coup très fermée… Elle nous propose de devenir musulmans. Nous essayons de parler de ce qui nous unis en tant que croyants respectifs, mais il semble que nous ne soyons pas sur la même longueur d’onde. Nous changeons donc de sujet.

La nuit est tombé depuis bien longtemps, les enfants sont épuisés, nous partons dans une nouvelle maison pour nous coucher. Là encore, ils installent des nattes au sol et déplient des tapis les uns sur les autres pour nous installer au mieux, tous les uns a coté des autres sous de chaudes couvertures polaires.

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Nous dormons plus ou moins bien à cause de la dureté du « matelas » et de l’étrange situation dans laquelle nous sommes. Le lendemain, même accueil chaleureux de tous. Un festin pour le petit déjeuner. Nos enfants sont traités comme des princes, on leur passe tous leurs caprices et bruits…. on rigole, on chante, on passe un excellent moment. Puis vient le moment où nous leur annonçons que nous devons reprendre la route. Nous avions un peu peur de leur réaction, mais ils comprennent que nous devons partir. Une femme nommé Fatima, nous offre un magnifique tapis qu’elle a tressé elle même. Les mêmes que ceux que nous avions vu à Chefchaouen et que nous rêvions d’acheter. Quelle générosité! Nous en sommes touchés, les enfants dormiront dessus ce soir d’autant plus que leur matelas décathlon est crevé. Toute cette générosité est bien déconcertante au regard des nombreuses différences qui nous séparent. D’autant plus que nous n’avons rien à leur offrir en retour.