Au petit matin, nous quittons ce bivouac de malheur direction la capitale pour nous mettre en sécurité.

Nous partons donc rapidement en direction de Ouagadougou, la capitale. Sur la route, nous sommes assez stressés et tendus, nous flippons devant chaque barrage de police, devant tout attroupement sur le bord des routes. Nous passons rapidement à Bobodiolasso mais ne nous y arrêtons pas. La police locale nous a conseillé de ne pas nous arrêter pour cause de réel danger. Il y a quelques jours une attaque a eu lieu en plein centre de la ville et a fait de nombreux morts coté civil. Nous filons donc jusqu’a Ouagadougou. Grosse route de 6h.

En réalité, nous sommes totalement traumatisés avec Antoine par ce que nous venons de vivre… les enfants aussi ont eu vraiment très peur et nous l’expriment facilement. Ils n’ont aucune notion de terrorisme ou d’enlèvement, mais ils ont eu très peur des coups de feu et d’entendre les hommes crier et taper sur la toile de tente. Ils ont entendu toute la scène mais n’ont rien vu. Quand le climat s’est radouci, je suis sortie avec eux pour leur « montrer »  les policiers et tenter à chaud de désamorcer l’éventuel traumatisme que cet événement aurait pu causer dans leurs têtes d’enfants. Ils ont donc vu les armes mais toutes baissées et les hommes étaient un peu détendus. Je suis bien contente d’avoir suivi des cours de gestion des émotions ces dernières années. Nous avons beaucoup, beaucoup, beaucoup parlé et fait parler nos enfants les jours qui ont suivi. Ils ont dessiné leurs peurs. Ils ont brulé leur dessins avec les méchants qui les ont réveillé et leur ont fait peur. Nous avons donné le change et cela n’a pas été facile pour nous mais au final, à l’heure ou j’écris ces mots (soit 1 mois 1/2 après cet incident), aucun de nous ne semble avoir besoin d’aide sur le plan psychologique.

Alors que dire de cet incident ? Comment avons nous pu nous retrouver dans cette situation ? Que faisions-nous à cet endroit ? Etions-nous inconscients ?

Nous ne voyageons pas pour nous faire peur, ni pour braver des situations dangereuses. Depuis notre départ, nous avons d’ailleurs plusieurs fois modifié notre itinéraire pour éviter telle ou telle zone grâce à des recommandations que nous avions reçu de personnes bien informées. Ce soir là, nous avons bivouaqué dans la « zone jaune » (cf les cartes de sécurité du ministère), donc sur le papier, dans une zone sans danger (Ouagadougou est d’ailleurs en zone orange depuis des années…). Nous étions inscrits sur le fil d’Arianne (infos pour les voyageurs français à l’étranger) et nous avons reçu une alerte de sécurité concernant la frontière entre le Burkina et le Bénin quelques jours avant notre entrée dans le pays, donc de l’autre côté du pays ; rien de particulier sur la zone où nous étions.

Peut-être que nous avons eu de la chance, peut-être que notre petite Emmanuelle a veillé sur nous, peut-être que nous étions au mauvais moment et au mauvais endroit, peut-être que des questions diplomatiques qui nous dépassent ne permettaient pas de mettre à jour plus tôt les couleurs des cartes, peut-être que… peut-être que…

A force de discussions, nous avons compris que la situation sécuritaire s’était fortement dégradée en seulement quelques semaines. Si les zones que nous avons traversé avaient été en « rouge », jamais nous n’aurions pris le risque de passer par ce pays. Un mois après notre incident, la carte du Burkina sur le site du ministère vient enfin de changer de couleur, et plusieurs itinéraires que nous avons empruntés sont désormais en rouge…

Depuis que nous avons quitté le Burkina Faso, une liste de malheureux évènements s’allonge (attaques de bases militaires ou de postes frontières, tueries, prise d’otage,…). Ce pays subit des attaques quotidiennes venant maintenant de tous les coins du pays. Leurs forces de sécurité ne sont ni prêtes et ni formées pour faire face à ce qui se passe et pourrait demain s’amplifier.

Il est probable que le terrorisme poursuive son développement sur ce pays dans les mois qui viennent et que nous fassions déjà parti des derniers voyageurs à y passer avant quelques temps.